Le passage d’une entreprise individuelle en société commerciale. Quand faut-il y songer ? Quels sont les avantages et les inconvénients ?

Vous êtes entrepreneur individuel et vous vous questionnez sur le passage de votre entreprise individuelle en société comme la S.à r.l. ? Mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? On vous explique tout, les avantages, les inconvénients, tant du point de vue comptable, fiscale que d’un point de vue légale.

L’entrepreneur indépendant ou l’entreprise individuelle désigne la personne qui exerce sa profession en son nom propre, en qualité de commerçant, d’artisan ou encore de travailleur intellectuel indépendant.

D’un point de vue légale, la société individuelle est la plus courante chez les starters. Celle-ci ne requiert pas d’entité juridique distincte et vous permet d’agir en tant que personne physique. La responsabilité est illimitée. Cela signifie également qu’aucune séparation claire n’existe entre votre patrimoine privé et le patrimoine de votre entreprise. En cas de faillite, les créanciers peuvent réclamer l’ensemble de vos biens.

Très peu de formalisme, pas de notion de capital social, pas de publication des statuts comme c’est le cas pour les sociétés commerciales, pas d’intervention du notaire. La forme de l’entreprise individuelle est assez simple, peu couteuse mais n’offre pas de protection de l’entrepreneur en cas de coup dur.

Concernant la comptabilité, l’entrepreneur indépendant est en principe exonéré de tenir une comptabilité en partie double, une simple tenue des livres faisant apparaitre les entrées et les sorties d’argent est suffisante. Cette méthode est plus communément appelée « la comptabilité de trésorerie ». Elle permet d’enregistrer la comptabilité en se basant sur les flux de trésorerie. Ainsi, les ventes seront comptabilisées à chaque règlement d’un client et les achats à chaque paiement d’un fournisseur.

Depuis 2017, tout contribuable dont le chiffre d’affaires dépasse le seuil de 100.000€ htva doit tenir sa comptabilité en partie double également appelée la méthode de la comptabilité d’engagement. Elle repose sur le fait que les transactions et les évènements sont comptabilisés au moment où ils se produisent.

D’un point de vue fiscale, l’entreprise individuelle est fiscalement « transparente » par rapport à l’imposition personnelle de l’entrepreneur en tant que personne physique. L’entrepreneur sera soumis à l’impôt commercial communal, l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt foncier le cas échéant.

L’entrepreneur ne peut notamment pas déduire de l’impôt sur le revenu, sa rémunération, la rémunération du conjoint-aidant ni les intérêts des capitaux engagés.

Le taux de l’impôt sur le revenu au Luxembourg est l’un des plus faibles d’Europe. Il comporte 23 tranches d’imposition et le taux marginal le plus élevé est de 42%.

La société commerciale

Le Luxembourg offre aux entreprises une grande flexibilité dans leur choix de structure juridique. Dans cet article, nous allons opter pour la forme la plus courante pour la création d’une société commerciale, la Société à Responsabilité Limitée « S.à r.l. ».

Afin de donner la possibilité à la personne physique de pouvoir exercer son activité sous la forme juridique d’une société commerciale le législateur luxembourgeois a mis en place la Société à Responsabilité Limitée Unipersonnelle. Elle permet d’avoir un associé unique lors de sa constitution. La S.à r.l. unipersonnelle est soumise à la plupart des règles du fait que la société ne comprend qu’un associé. Elle est une bonne alternative à l’entreprise individuelle, dans la mesure où elle permet au chef d’entreprise de rester seul maître à bord, tout en disposant de l’avantage d’une limitation de la responsabilité.

Elle requiert le passage devant un notaire afin de rédiger les statuts de constitution, le formalisme est plus coûteux que pour la mise en place d’une entreprise individuelle. Cependant, il est important de noter que depuis janvier 2017, le Luxembourg a mis en place la S.à r.l.- simplifiée avec un capital minimum de 1€. Elle est constituée sous seing privé (sans obligation de passer devant le notaire). Cela permet de réduire considérablement les coûts liés à la constitution. Cette forme de société cible tout particulièrement les entrepreneurs qui souhaite démarrer une activité qui ne requiert pas un capital de départ important.

Depuis janvier 2017, le Luxembourg a mis en place la S.à r.l.- simplifiée avec un capital minimum de 1€. Elle est constituée sous seing privé (sans obligation de passer devant le notaire). Cela permet de réduire considérablement les coûts liés à la constitution

Le capital social minimum d’une S.à r.l. est de 12.000€. Ce montant doit obligatoirement être entièrement libérés, soit en numéraire, soit en nature. Un des avantages du passage de l’entreprise individuelle en société commerciale réside dans le fait de pouvoir apporter son fonds de commerce comme capital. De plus, dans le cadre légal de la S.à r.l., il n’y a pas d’obligation de faire appel à un réviseur d’entreprise pour établir un rapport d’évaluation comme c’est le cas pour une société anonyme.

D’un point de vue TVA, la cession du fonds entraîne en principe l’exigibilité de la TVA sur le prix des marchandises en stock. En effet, les cessions de matériel et de marchandises constituent normalement des opérations taxables.

Cependant, l’administration a considérablement réduit la portée de cette règle en dispensant de cette taxation les cessions de fonds de commerce effectuées à un redevable assujetti lorsque le cédant en fait la demande et que le cessionnaire est un assujetti qui continue l’activité du cédant.

Bien entendu, d’un point de vue purement comptable, les sociétés constituées sous la forme juridique d’une S.à r.l. doivent tenir une comptabilité en partie double quel que soit le montant du chiffre d’affaires.

Au niveau de l’imposition des sociétés commerciales, la S.à r.l. est soumise au régime de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune.

Le taux de l’imposition des sociétés est de 15% du résultat d’exploitation pour les sociétés dont le revenu imposable ne dépasse pas 175.000€, et de 17% au-delà de 200.000€

L’impôt commercial communal est également calculé sur le bénéfice d’exploitation avec un abattements pour les sociétés de 17.500€. A titre comparatif, l’abattement pour les entreprises individuelles est de 40.000€. La base d’assiette est de 3% multiplié par un coefficient différent pour chaque commune du Grand-duché de Luxembourg. Le taux d’ICC ainsi calculé s’élève à 6,75% pour la commune de Luxembourg ville et peut grimper jusque 10,5% pour la commune de Diekirch. Il est dès lors très important de bien choisir le lieu d’implantation de son siège social car celui-ci sera déterminant sur le montant de l’impôt à payer.

Cet impôt est calculé sur la fortune nette de la société suivant bilan, sur une base de 5 millièmes (c’est-à-dire 0,5%) de cette fortune nette (capitaux propres, réserves et résultats reportés). Il existe quelques spécificités concernant l’IF minimum qui ne seront pas développés dans cet article.

Après avoir analysé les différences fiscales, légales et comptable qui existent entre l’entrepreneur individuel et la société commerciale, intéressons-nous maintenant aux motivations qui peuvent soit, vous faire opter pour une structure individuelle soit pour une structure commerciale.

La motivation économique

Principalement, l’envie de changer son statut juridique en société, vient du financement. En effet, en tant qu’entrepreneur individuel vous avez généralement de très grandes difficultés à emprunter auprès d’une banque.

La société a la possibilité de faire appel aux financements privés, aux investisseurs, franchisés ou même filiales.

La société permet également de réaliser de différentes manières des évolutions économiques. Elle permet notamment de vous associer avec d’autres personnes alors qu’en entreprise individuelle c’est impossible.

3 Motivations importantes

Motivation économique

Motivation juridique

Motivation fiscale

La motivation juridique

La motivation première est la protection de votre patrimoine personnel de dirigeant.

Juridiquement, en entreprise individuelle le dirigeant est responsable personnellement tandis qu’en société, votre responsabilité est limitée.

En effet, comme nous l’avons vu précédemment, la société possède sa propre personnalité morale. Elle possède ses propres biens immobiliers, éléments corporels et incorporels, elle exploite son fonds de commerce, alors que dans le cadre d’une entreprise individuelle, c’est la personne physique qui détient ces éléments.

La société possède donc sa propre identité et est donc responsable de ses dettes.

 

La motivation fiscale

Fiscalement, l’entreprise individuelle ne permet aucune autonomie puisqu’elle n’a pas de personnalité morale.

Tous les bénéfices sont ajoutés à vos revenus d’entrepreneur individuel et de votre foyer. Ils sont donc soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Il n’y a aucun moyen pour optimiser au mieux son imposition.

Cela est un réel frein au développement de l’entreprise individuelle et sa capacité d’autofinancement. C’est pourquoi dans le cadre d’un prêt, une banque sera moins favorable avec une entreprise individuelle qu’avec une société.

Enfin, le calcul des charges sociales ne s’opère pas de la même manière. En entreprise individuelle, c’est le bénéfice global qui est pris comme base de calcul, qu’il soit prélevé par l’entrepreneur ou réinvesti dans l’entreprise. En revanche, en société, c’est le montant de votre rémunération de dirigeant qui sert de base de calcul et non le chiffre d’affaires de la société.

Afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ce qui précèdent, prenons un exemple très concret. Laetitia habite Luxembourg ville, elle est entrepreneur célibataire sans enfant de 25 ans active dans le milieu de la publicité depuis 2016. Son activité se développe et elle se demande s’il ne serait pas temps pour elle de créer sa structure commerciale.

Sa motivation économique est de pouvoir briller a l’internationale et pour cela elle souhaite transformer son activité d’indépendante en créant sa propre structure commerciale.

Vu les objectifs de Laetitia, il est assez logique de vouloir protéger son patrimoine privé en cas de problème. Sur conseil de son expert-comptable, Laetitia compte former une S.à r.l. afin de dissocier son patrimoine personnel de son patrimoine commercial en donnant a sa structure une personnalité juridique distincte de la sienne. Concernant sa motivation fiscale, Laetitia hésite encore car elle ne sait pas exactement ce qui serait profitable dans sa situation. Laetitia a réalisé un bénéfice imposable de 85 000€ en 2022. Comme expliqué, la base de calcul des cotisations sociale sera le montant du bénéfice indépendamment du fait que l’indépendant la prélevé ou réinvesti dans l’entreprise. Soit un montant de 20 936€

Dans l’exemple, nous considérons que Laetitia n’a pas de charge déductible mis à part les forfaits des frais d’obtention et des dépenses spéciales. La base imposable de Laetitia est de 62 912,50€. Le total d’impôt dû, comprenant l’impôt sur le revenu ainsi que l’impôt communal commercial s’élève à 17 681€.

Reprenons le même exemple, mais Laetitia à créé fin 2021 une S.à r.l. sous la dénomination LaetiPub

S.à r.l.au capital social de 12 000€.

Laetitia se verse un salaire mensuel brut de 2 500€. A la différence de l’activité en tant qu’entreprise indépendante, la société de Laetitia pourra déduire les charges sociales patronales ainsi que le salaire brut de son dirigeant (attention quelques exceptions au cas où le dirigeant détient l’autorisation d’établissement et plus de 25% des parts sociales). Si on prend un taux de cotisation sociale de 12,66%, le montant mensuel du coût employeur serait de 316,50€. Sur base d’un bénéfice de    85 000€ réalisé par Laetitia au cours de l’année, celui-ci serait à diminuer de 33 798€ (2 500€ + 316,50€ x 12) soit un résultat imposable de

51 202€. Le total d’impôt dû comprenant l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal serait dans ce cas de 10 492€

En résumé, si Laetitia continue son activité en tant qu’entreprise indépendante, avec un bénéfice de 85 000€, elle devra payer au titre de la sécurité sociale un montant de quasi 21 000€ même si dans les faits, Laetitia se paie un salaire de 2 500€ mensuel ou même si elle ne retire aucun salaire de son activité.

De plus, à cela s’ajoute l’impôt sur le revenu de 17 681€.

 

A contrario, si Laetitia avait créé sa société en 2021, elle aurait payé un montant de 3 798€ au titre de la sécurité sociale, que la société pourrait déduire de ses charges annuelles. Au niveau de l’imposition pure, la société aurait payé un montant de 10 492€.

Bien entendu, à titre personnelle, Laetitia aura également payé sur une année un montant équivalent à 3700€ de cotisations sociales ainsi qu’un impôt sur le revenu de 1 800€ via sa fiche de salaire. Ne pas oublier que Laetitia aura également pu bénéficier des différents crédits d’impôt mis en place par le Luxembourg. L’effet des crédits d’impôt n’est pas pris en compte dans l’exemple ci-dessus.

Pour faire encore plus simple, en tant qu’entreprise indépendante, Laetitia aura payé un montant total d’impôt de 17 681€ et de la sécurité sociale pour un montant de 20 936€.

Si Laetitia avait constitué sa structure commerciale, elle aurait payé 12 292€ d’impôt et de la sécurité sociale pour un montant de 7 498€.

Bien entendu, l’exemple ci-dessus, n’est pas transposable à tout le monde et chaque situation est différente et devra faire l’attention d’une analyse minutieuse et particulière. Il y a lieu de prendre en considération non seulement, la situation familiale de l’indépendant, son secteur d’activité, ses motivations mais également son résultat annuel imposable.