Le principe comptable de prudence vs le principe d’image fidèle. Une conciliation impossible ?

Les principes comptables permettent de garantir la cohérence et la fiabilité des informations comptables d’une entreprise. L’expert-comptable doit respecter ces principes pour établir les comptes annuels d’une entreprise. Ces comptes annuels doivent être réguliers, honnête et être fidèles au patrimoine, à la situation financière et au résultat de l’entreprise, telle est la définition que nous pouvons donner aux principes comptables.

Au Luxembourg, selon le précis de droit comptable édition 2020, ils sont aux nombres de 10.

Le principe de continuité de l’exploitation;

Le principe de permanence des méthodes;

Le principe de prudence;

Le principe d’indépendance des exercices comptables;

Le principe de non-compensation;

Le principe de la continuité du bilan;

Le principe de clarté;

Le principe de l’image fidèle;

Le principe de la substance.

Arrêtons-nous sur le principe de prudence et le principe de l’image fidèle.  Que nous dit le précis de droit comptable ?

Le principe de prudence nous informe que les états financiers de l’entreprise ne doivent en aucun cas présenter une image plus flatteuse de l’entreprise que la réalité, il indique également que l’organe de gestion doit avoir une vision pessimiste plutôt qu’une vision optimiste dans leur appréciation au moment de l’arrêté des comptes annuels. Les bénéfices effectivement réalisés pourront être pris en compte. Il serait ainsi parfaitement interdit de prendre en compte des plus-values latentes.

Le principe de l’image fidèle nous indique que l’objectif ultime des comptes annuels est de fournir une image fidèle du patrimoine, de la situation financière, ainsi que des résultats de l’entreprise. Il ne s’agit ni d’embellir, ni de noircir la situation, mais d’en donner l’image la plus objective possible.

Dans une optique LUXGAAP, Il y a manifestement matière à discuter. Les deux principes comptables sont assez contradictoires

Dans une optique LUXGAAP d’évaluation au coût historique, Il y a manifestement matière à discuter. Les deux principes sont assez contradictoires dans leurs propos. L’un nous indique d’être plutôt pessimiste tandis que l’autre nous stipule d’en donner une image la plus objective possible.  En nomes IFRS, le principe de pertinence prend le pas sur la prudence. Une évolution de nos LUXGAAP vers le référentiel IFRS serait selon moi nécessaire, sans pour autant devoir opter pour les évaluations à la juste valeur. Pour appel, l’administration des contributions directes ne reconnait pas l’évaluation à la juste valeur et un bilan fiscal est nécessaire. 

Prenons un exemple concret afin d’illustrer ma réflexion. Un immeuble située boulevard Royal à Luxembourg, acquis il y a 30 ans et complètement amorti aura une comptabilisation nulle au bilan de la société qui le détient. Le principe de prudence est respecté mais qu’en est-il du principe de l’image fidèle ? Il n’est pas nécessaire de vous expliquer la valeur de l’immobilier au Luxembourg. Qu’en est-il au niveau de la pertinence des comptes annuels présentés à l’organe de gestion en fin d’année ? Bien entendu, j’ai pris un exemple flagrant, mais vous pouvez également prendre l’évaluation d’un portefeuille titres ou l’évaluation d’une participation financière, le résultat sera le même et sans équivoque. Le principe de l’image fidèle est rarement ou très mal respecté dans les faits.  

Afin de palier à ce problème, il me semble important de pouvoir indiquer et formaliser la plus-value latente en comptabilité. Je ne dis pas de la rendre systématique, mais d’en donner la possibilité.

Il serait bien que le législateur envisage de donner une vraie place au principe d’image fidèle en comptabilité.

Sur base d’un document probant d’évaluation immobilière, bancaire ou boursière, pouvoir inscrire cette plus-value latente (non réalisée) dans un compte de régularisation de passif ou autre, cela permettra au lecteur des comptes annuels d’avoir une information complète, détaillé et objective de la situation financière d’une entreprise.

D’un point de vue fiscale, la plus-value à l’actif serait neutralisée par un compte de régularisation de passif et le perte et profit ne serait pas impacté (respect du principe de prudence). Cette écriture serait annulée au 1er janvier de l’année qui suit. Une réévaluation au 31 décembre de chaque année serait à recevoir du client qui souhaiterai faire apparaître cette information.

A méditer…